Voilà déjà trois semaines que les deux gypaètes apprivoisent leur vire. Une observation permanente depuis l’arrivée des oiseaux est réalisée par 5 surveillants.
Cette surveillance permanente présente trois intérêts :
– Le premier est d’évaluer l’état de santé (en relevant notamment le nombre de fientes, les prises de nourriture et le temps passé à l’entretien du plumage)
– Le second est d’assurer la sécurité des oiseaux.
– Le troisième est d’estimer l’évolution des oiseaux au fil du temps (grâce aux nombres de battements d’aile et aux séries de battements d’ailes) et d’évaluer la période d’envol et le niveau de préparation.
Afin d’analyser les habitudes comportementales et individuelles des deux jeunes gypaètes, l’équipe des surveillants utilise la méthode du «scan sampling».
Il s’agit d’un échantillonnage des comportements relevés à intervalles de temps réguliers (nous avons choisi ici un relevé toutes les 30 minutes).
Les analyses ci-dessous concernent la période du 20 mai au 3 juin 2014 (soit 14 jours passées dans la vire).
Le 3 juin Adonis était âgé de 108 jours et Jacinthe de 104 jours.
• L’occupation de la vire
L’analyse des éléments de l’échantillonnage relevé nous a permis de mettre en évidence les préférences de chacun des oiseaux quant à la place occupée dans la vire.
(Illustration : Valentin Salvant)
EV : Entrée vire
EVD :Entrée vire droite
EVG : Entrée vire gauche
FV : Fond de vire
FVG : Fond de vire gauche
FVD : Fond de vire droit
MV : Milieu vire
NID : Nid de droite
NIG : Nid de gauche
-> Les deux endroits les plus utilisés par Adonis sont les rochers de droite (EVD) et de gauche (EVG), sur lequel il effectue la majorité de ses séries de battements d’ailes.
-> Jacinthe occupe aussi essentiellement ces deux endroits et fréquente particulièrement le coin enherbé à l’entrée de la vire (EV). Elle a semblé, à plusieurs reprises, y chercher une issue.
Il est possible de considérer ces lieux comme « préférentiels » ; ils donnent aux oiseaux un point de vue idéal sur l’ensemble de la vallée, avec des courants d’air qui les stimulent aux battements d’aile. L’entrée de la vire est le lieu où Jacinthe prend le soleil et observe l’activité autour de la vire (passage d’Hirondelles de rocher, passereaux, papillons, insectes, etc.
Au début de leur cohabitation, les gypaètes ne semblaient guère apprécier la proximité et, de ce fait, de nombreuses interactions négatives (prises de bec, comportements de soumission ou de domination, etc.) avaient lieu.
A présent, ils passent de plus en plus de temps proches l’un de l’autre sans qu’il y ait de contact ou d’interactions négatives.
Depuis peu, des comportements sociaux se développent (ex : se « gratter » mutuellement le bout du bec).
• L’activité journalière des oiseaux
– Dès leur arrivée, les oiseaux nous ont parus très différents. Jacinthe, élevée au centre d’Haringsee (en Autriche) semblait stressée et apeurée, tandis qu’Adonis, élevé au zoo d’Ostrava (en République-Tchèque), semblait, quant à lui, moins stressé.
Malgré cette différence, la jeune femelle a très vite pris ses marques dans la vire en scrutant les moindres recoins, ce qui lui a valu le surnom de « Jacinthe la curieuse » par les surveillants.
– Battements d’ailes et séries de battements d’ailes
Adonis a très rapidement commencé sa musculation pour le vol avec de nombreuses séries de battements d’ailes (cf. Figure1). Le mâle semble avoir une légère avance sur la femelle concernant le nombre de battements d’ailes.
Cependant, Jacinthe parait plus efficace car elle arrive pratiquement à se soulever.
Nous nous sommes intéressés à l’influence de la force du vent et à la direction du vent sur leurs battements d’ailes (cf. Figure 2). La force du vent étant représentée de 0 (vent nul) à 5 (vent extrêmement fort). On remarque que les deux oiseaux ont un grand nombre de battements d’aile lorsque le vent est faible à moyen. Ceux-ci sont peu nombreux si le vent est absent ou avec de fortes rafales.
Les 2 oiseaux ont une évolution croissante du nombre de battements d’aile dans le temps.


Selon les relevés, les oiseaux battent plus des ailes avec un vent Nord-Nord-Est. Cela va à contre sens de nos hypothèses initiales, selon lesquelles le vent du Sud incite d’avantage les oiseaux à battre des ailes.
Cependant, nous n’avons pas encore le recul suffisant (période d’observation encore assez courte) pour tirer une conclusion précise à ce sujet. Il faut également prendre en compte le fait que le nombre de jour avec un vent du Nord est supérieur au nombre de jours avec un vent du Sud.
Attendons leur envol afin d’en savoir d’avantage et d’en tirer des conclusions
– Taux moyen d’activité journalière
Le scan nous a également permis de relever leurs habitudes quotidiennes. Les oiseaux étant bien plus actifs le matin que l’après-midi, nous avons choisi de différencier ces deux moments de la journée.
Les activités principales constatées sont :
– le repos (RP),
– l’observation de l’autre individu ou de l’activité extérieure,
– (OB) ainsi que l’entretien du plumage (EP).
Le matin, il est possible d’observer une plus grande variété de comportements : ils mangent (MG), ils attrapent et semblent jouer avec les matériaux qu’ils trouvent dans la vire (branches ou laine) (TAT) et ils battent des ailes (BL).
Tandis que l’après-midi est plus « monotone », avec énormément de repos (RP), d’entretien plumage (EP), d’observation et périodes de non vue (NV) car ils sont au fond de la vire.
Ces analyses, permettent de constater des différences (temps moyen des types d’activités) ainsi que des similitudes (tendance des comportements) entre Adonis et Jacinthe, sur un certain nombre de points comportementaux.
Ces éléments mettent également en évidence leur bonne santé et leur progression remarquable à ce jour du projet.
– L’alimentation des oiseaux
Les oiseaux sont nourris à raison de 2 fois par semaine avec principalement des os mais aussi des bouts de viande.
La manière de se nourrir est, elle aussi, bien distincte entre les deux oiseaux, puisque Jacinthe a tendance à rapidement avaler la nourriture, alors qu’Adonis prend le temps de les décortiquer en tirant dessus pendant plusieurs minutes.
– L’entretien du plumage
Un des critères essentiels permettant de vérifier la bonne santé des oiseaux est le temps d’entretien de leur plumage.
En effet, l’excellent état de celui-ci est une condition indispensable au vol des grands rapaces. D’après la figure ci-dessous, nous pouvons voir que, chaque jour, nos deux gypaètes y consacrent plusieurs heures ; Jacinthe y passe davantage de temps qu’Adonis.
A noter que l’envol moyen des gypaètes se situe aux alentours de 117 jours.
Nous attendons maintenant leur envol, qui ne saurait tarder…
Surveillants Gypaète barbu
LPO Grands Causses
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