Le feu pastoral, communément appelé « écobuage », est une pratique qui permet selon la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques (http://www.pa.chambagri.fr/) « de contrôler de façon efficace et peu coûteuse toutes les broussailles et autres mauvaises herbes qui envahissent les pâturages d’estive en forte pente. La période d’autorisation des écobuages s’étale entre le 15 octobre et le 31 mars. La grande majorité des feux pastoraux a cependant lieu entre mi-janvier et mi-mars, à chaque fenêtre météo favorable de temps beau et calme. Cela s’explique par la nécessité d’avoir une végétation préalablement séchée par le gel, qui se consume mieux. Si l’objectif principal de l’écobuage est pastoral pour l’entretien des landes, le défrichage, certains feux ont un but cynégétique pour maintenir une mosaïque de milieux favorable au maintien de la présence de gibier, d’autres sont des feux d’entretien, pour préserver des zones sensibles telles que des forêts ou des habitations du risque d’incendies
Chaque année : 20 000 ha écobués, 1500 chantiers autorisés ».
Mais cette définition idéale ne correspond pas toujours à la réalité. Il arrive que le feu ne soit pas contrôlé, se propage hors des limites initialement définies, nécessite l’intervention des pompiers, mette en danger les habitations, voire soit à l’origine de victimes humaines…..
Si les conséquences des incendies naturels ont été évaluées sur l’occupation des territoires et sur le succès de reproduction des aigles royaux en Amérique du Nord (Kochert et al. 1999), l’impact des feux pastoraux, qui ont donc lieu principalement pendant la période de reproduction des grands rapaces rupestres, est peu documenté. Pour le Vautour fauve, une mention est faite de « l’écobuage des sites de nidification (dans les Pyrénées occidentales) qui provoque la désertion des nids suivi d’une diminution dans le recrutement l’année suivante mais pas de diminution de la productivité …. »(Leconte & Som 1996). Cependant c’est une référence à un écobuage au mois de décembre, alors que comme précédemment indiqué, la plupart des feux pastoraux est effectuée plus tard. L’un de nous (A.A.), a observé cette année lors d’un recensement de colonies qu’une aire abritant un vautour couvant fin janvier était brulée (et donc abandonnée) suite au passage d’un feu pastoral en mars. Un couple de Gypaètes barbus a abandonné un site qu’il fréquentait régulièrement et où il avait rechargé une aire suite à un écobuage en décembre 2011.
Dans le cadre d’un travail sur l’Aigle royal dans les montagnes basques, il est apparu que plusieurs échecs de reproduction pourraient être liés, lors du printemps 2012, aux conséquences d’écobuages. Dans un premier site, un feu est arrivé à quelques mètres d’une aire régulièrement utilisée et rechargée et la ponte n’a pas eu lieu. Dans un territoire contigu l’échec a été constaté suite à l’abandon des deux œufs au-delà de la durée normale d’incubation. À l’examen, aucun des deux œufs ne contenait d’embryon. Donc, soit ils n’avaient pas été fécondés, soit l’incubation a été interrompue à un stade précoce empêchant le développement de l’embryon. Cette dernière hypothèse pourrait mieux correspondre au fait que les deux œufs ne contenaient pas d’embryon (alors que la découverte d’un seul œuf infécond dans une aire à côté d’un poussin n’est pas exceptionnelle). Une absence prolongée de la couveuse en tout début d’incubation pourrait donc être en cause. Un feu pastoral était encore en cours le 18 mars sur les pentes en face et à proximité de l’aire sur laquelle la couveuse n’a pas été observée. Les pontes des aigles au Pays basque ont lieu aux alentours du 15 mars. L’hypothèse d’un dérangement de la couveuse juste après la ponte peut donc être évoquée, à l’origine d’une absence prolongée du nid avec pour conséquence l’absence ou l’arrêt du développement des embryons à un stade très précoce.
Ces deux observations, même si elles ne permettent pas de prouver formellement la responsabilité de l’écobuage dans l’échec de la reproduction sur ces deux territoires d’aigles royaux, illustrent un facteur de perturbation probablement sous-estimé à ce jour, au moins dans le contexte des Pyrénées occidentales, qui justifierait à l’avenir des mesures de surveillance et de prévention.
Isabelle Rebours, Luc Gonzalez, Aurélien André & Michel Clouet*.
Association Saiak : www. saiak.com
*Auteur correspondant : dr.clouet @wanadoo.fr
RÉFÉRENCES
Kochert (M. N.), Steenhof (K.), Carpenter (L. B.) & Marzluff (J. M.) 1999.- Effects of fire on golden eagle territory occupancy and reproductive success. J. Wild. Manage. 63 : 773-780.
Leconte (M.) & Som (J.) 1996 -La reproduction du Vautour fauve Gyps fulvus dans les Pyrénées Occidentales : Historique d’une restauration d’effectifs et paramètres reproducteurs. Alauda 64 : 135-148.
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